Merci Monsieur Le Bourgmestre, pour cette motion.

C’est un sujet qui nous touche toutes et tous et pour lequel nous sommes très attentifs, tant dans notre vie quotidienne que dans nos actions politiques.

Par conséquent, permettez-moi de prendre la parole au nom du groupe MRMC et de profiter de ce conseil communal pour rassurer quelque peu la population grâce à quelques données factuelles.

Nous devons rappeler en quelques mots le contexte légal, la réelle question posée et présenter sous la forme technique, de la gouvernance et de l’approche politique les éléments permettant de rassurer la population.

Le contexte légal :

On l’a peut-être un peu vite oublié, mais :

  • la Politique Nationale relative à la gestion à long terme des déchets radioactifs est une obligation de la directive européenne (2011/70/EURATOM ) du Conseil Européen du 19 juillet 2011.
  • Cette directive établit un cadre pour la gestion responsable et sûre des déchets radioactifs.

Cela pour rappeler que l’on se trouve ici dans un domaine supra-national.

Concernant la communication, voici ce qui a été mis légalement et chronologiquement en place :

  • La date de début de l’enquête a été communiquée en toute conformité via les canaux prévus par l’article 14§1 de la loi du 13 février 2006.
  • Il y a eu un avis au 1er avril 2020 :
    • au Moniteur belge,
    • par le biais des sites web de l’ONDRAF[1],
    • par le biais du portail national de la convention d’Aarhus www.aarhus.be.
  • La loi prévoit également la consultation des gouvernements régionaux ; le Ministre Henry y a répondu début mars 2020, et l’ONDRAF a communiqué le dossier à ces derniers le 15 avril 2020.
  • De plus, L’UVCW a d’ailleurs écrit un article sur le sujet en date du 16 avril 2020,

Mais il paraît normal qu’aux yeux de la population, de nombreuses questions se posent.  Voici deux rapides exemples :

  • Comment ces règles peuvent-elles être d’application pour un sujet aussi sensible dès lors qu’une trentaine de ces enquêtes arrivent mensuellement à l’administration :
    • A titre d’exemples, une série d’autres consultations sont et ont été réalisées ces derniers mois selon la même approche, par différentes organisations et à différents niveaux (régional, fédéral, européen), et sur des sujets tout aussi importants (climat, droits de l’Homme, commerce entre l’Europe et la Chine,…).
  • De plus, une telle enquête à destination d’une population dont la simple évocation du mot « nucléaire » fait très peur,  nous amène à nous poser la question de savoir si nous sommes les bonnes personnes pour y répondre.

Concrètement, en quoi consiste la question posée ?

Comme vous le savez, les déchets radioactifs proviennent majoritairement des centrales nucléaires (On parle ici du combustible utilisé lors de la réaction nucléaire, des pièces de rechange, des vêtements,…)  Mais pas seulement.  Il y a d’autres secteurs qui en produisent. : les plus connus sont les hôpitaux qui utilisent chaque jour des isotopes pour diagnostiquer des maladies.

Ces déchets doivent effectivement être stockés.  A Tihange par exemple, la capacité de stockage sous eau commence à manquer.  C’est pour cette raison qu’’ils envisagent une extension de leur stockage, mais à sec cette fois (comme à Doel).  Le sujet a fait débat il y a moins d’un an d’ailleurs.

Mais, par la porte ou par la fenêtre, il va bien falloir les stocker ces déchets !  Et c’est là aujourd’hui l’unique question !  Que voulons-nous faire de ces déchets sachant que, pour rappel, aucune décision politique n’a été prise quant à la destination finale de ces déchets depuis leur production jusqu’à ce jour.

Qu’avons-nous sous la main pour nous rassurer ?

Le sentiment d’angoisse et de peur qui nous touche une fois de plus n’est pas acceptable. 

Afin de rassurer quelque peu la population sur base de nos connaissances actuelles, plusieurs éléments doivent être cités.

Les éléments technique :

La Finlande est le premier pays au monde où la construction d’un centre de stockage en couche géologique profonde a commencé, l’entrée en service est prévue pour 2024. Elle sera suivie par la Suède en 2032 et par la France en 2035.

Les autres États membres projettent également de construire un centre de stockage en couche géologique profonde. Les différents stades de mise en œuvre s’étalent entre 2040 et 2100.

La décision qui sera prise dans les prochaines semaines ne sera pas mise en œuvre avant 2100 (on parle même de 2130) !  D’ici là nous aurons certainement un retour d’expérience de la Finlande, la Suède ou la France nous direz-vous.

Aujourd’hui, des études montrent qu’il est possible de construire des centrales nucléaires qui ont un rendement en uranium proche de 100% et qui utiliseront les « pseudo » déchets des vieilles centrales nucléaires.

Il est bon de rappeler également que la Belgique est un précurseur dans le traitement des déchets nucléaires, le processus belge permet de diminuer leur taille de 80%

Dans un avenir plus lointain, la fusion nucléaire prendra le pas sur la fission et donc réduira la quantité des déchets non réutilisables.

35 pays on investit dans un projet pour que cette centrale produise de l’énergie … avant la fin de vie de nos centrales actuelles (afin d’éviter d’en reconstruire de nouvelles).

Vous l’avez compris, avec une vue optimiste tout en étant réaliste, le stockage sous-terrain ne servira probablement jamais. Ou dans le pire des cas pour des déchets de nouvelles centrales qui sont nettement moins radioactifs.

Les éléments de bonnes gouvernance :

Au niveau de l’Europe, les déchets nucléaires représentaient en 2017, l’équivalent de 7 litres par habitant.

La Commission Européenne a demandé de respecter pleinement les exigences prévues par la directive en ce qui concerne les programmes nationaux.  Fin 2019, la Belgique était pointée du doigt et n’avait pas donné de réponse à la commission suite à cette infraction.

Il est important de rassurer notre population et de souligner une nouvelle fois, que dans le rapport, il est clairement stipulé que l’avis indépendant de l’autorité de sureté (AFCN) est et sera d’ailleurs exigé à chaque étape.

Il devient urgent de statuer pour que cela n’entraîne pas de report de décisions et de charges indues pour les générations futures. 

En d’autres termes, nous prenons des décisions pour nos générations futures

Les éléments politiques enfin :

Le message de Mme la Ministre Marghem. Il est important de partager avec la population le message qu’elle a donné aux différents Bourgmestres des 44 communes invités la semaine dernière à l’initiative de notre député fédéral Benoit Piedboeuf : elle disait que de par la caractéristique géologique et son réservoir de nappes phréatiques, notre province de Etalle à Durbuy en remontant jusque Spa ne peut servir d’aire d’enfouissement pour déchets nucléaires.

En conclusion :

Quoi qu’il en soit, l’ONDRAF lui-même évoque l’impossibilité de maîtriser les aléas d’un stockage à aussi long terme notamment parce que les aléas sismiques sont imprévisibles sur des échelles de temps aussi longues (de l’ordre du million d’années) ; donc, l’acte posé aujourd’hui par la commune : la motion que vous venez de lire, bien qu’elle ne réponde pas à la question première de l’enquête,  répond à cet objectif : clarifier les choses et surtout la position de notre commune et ses habitants.  Nous refusons tout enfouissement au sein de notre commune.

Au nom de notre groupe MRMC, nous remercions une nouvelle fois le collège pour cette décision.

O. Waltzing – Chef de groupe MRMC


[1] ONDRAF : Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichie